Etre Arquebusiers ,
La poudre fut inventée , dit on ,vers l’an mil ,par les chinois . Elle était noire , parce que son principal
composant était , et est toujours, le charbon de bois .
Elle arriva en Europe au 14 ème siècle et fut universellement utilisée jusqu'à la fin du 19ème.
En 1884, le chimiste Français Paul Vieille inventa la poudre nitro-cellulosique , dite poudre B , ou encore
poudre sans fumée . Trois fois plus puissante que la poudre noire , n’encrassant pas les mécanismes,
elle fut à l’origine de l’avènement de l’armement moderne.
Mais entre la bombarde de Crécy en 1346, et le fusil Gras modèle 1874, dernière arme règlementaire française à poudre noire , il y eu l’aventure de l’évolution des armes à
feu .La fabuleuse histoire de ces inventeurs ,fondeurs , forgerons ,serruriers , horlogers , ébénistes ,fourbisseurs , graveurs et ciseleurs ,qui ont mis toute leur expérience et
leur habileté pour construire des armes dont l’une des caractéristiques était souvent la beauté . Ce sont ces armes qui sont l’objet de notre intérêt .
Les premières armes portatives qu’étaient les « bâtons à feu » furent assez vite suivies ,vers 1450 , par les armes à mèche , elles mêmes concurrencées , vers 1515 ,par les armes à rouet .Ces armes , toujours prêtes à faire feu pour peu que le rouet ait été remonté ,libéraient leur utilisateur de la dangereuse et peu discrète servitude de la mèche . Raccourcies, elles donnèrent naissance au pistolet , l’arme du cavalier . Cependant , fragiles et onéreuses , ces armes ne furent jamais fabriquées en grand nombre .Ce fut peut être l’un de ces pistolet qui, entre les mains du baron de Vitry et sur ordre de Louis Xlll , tua Concini , Maréchal d’Ancre , le 27 avril 1617 .
Puis vinrent les platines utilisant un silex frappant une batterie en acier .Moins fragiles que le rouet , moins chères à fabriquer , qu’elles soient à la Miquelet ou à Chenapan , elles durèrent jusque vers 1605/1610 , date à laquelle Marin Bourgeois inventa la platine à silex dont la batterie était aussi le couvre bassinet , et qui remplaça petit à petit tous les autres systèmes. Relativement sure , son taux de ratés était d’environ 15% , elle fut utilisée sans partage jusqu'à l’invention, en 1818 , de la capsule fulminante . Attribuée au français Prélat mais revendiquée par un américain et trois anglais , cette invention supprimait pratiquement les ratés et permettait une inflammation régulière de la charge .
En 1841, Dreyse inventa le fusil à aiguille . Se chargeant par l’arrière avec une cartouche papier ,ce système augmentait la cadence de tir et affranchissait le soldat de la dangereuse position debout, nécessaire au chargement de l’arme par l’avant . La culasse n’était pas très étanche . Alphonse Chassepot y remédia en 1866 en adoptant un joint de caoutchouc, comprimé par les gaz de propulsion . Vers la même époque la solution parfaite arriva sous la forme de l’étui métallique. Allié à l’invention de Paul Vieille , il n’a subi que des évolutions de détail et représente la quasi totalité des munitions actuelles .
Je l’ai déjà dit , ces armes sont souvent belles . Elles nous racontent aussi l’ Histoire . Une arquebuse
à mèche japonaise pourra vous raconter la bataille de Nagashino en 1575, au cours de laquelle une armée de 3000 soldats à pieds , équipés de ces armes, vainquit la coalition de deux
armée dotées de puissantes cavaleries. L’élégant fusil du Kentucky, vous parlera de la vie des trappeurs et de la guerre d’indépendance Américaine , ou son canon rayé permettait
à sa petite balle de faire mouche à des distances ou le puissant Brown Bess qui lui était opposé était d’une totale imprécision . Le Springfield 1861 illustrera le déchirement
de la guerre civile américaine et , si vous êtes assez fou pour vous y frotter , le Chassepot vous contera la bataille de Saint Privat, plus connue sous le nom de Gravelotte ,
Bazeilles et les onze dernières cartouches que les officiers survivants réclamèrent l’honneur de tirer.
Et que pourra nous dire le 1777 ? ,Il fut l’arme de la révolution ,des sans culotte . Modifié en l’ An IX de la République , il fut, aux mains des soldats de l’Empire , l’outil de
l’épopée napoléonienne, modifié à percussion selon l’ordonnance de 1842 , puis rayé vers 1860 , il fut transformé « à tabatière » selon le système 1867, participa a la défense
de Paris pendant la guerre de 1870 , et termina sa carrière entre les mains des gardes- champêtre, avant de faire le bonheur de chasseurs peu fortunés . Soit plus d’un siècle de
service .
Nous tirons ces armes quand nous avons la chance de les posséder . Elles nous rappellent la rudesse
de ces époques , nous font partager et comprendre les difficultés de ceux qui les ont utilisées , servies doit on dire !
Charger et tirer un 1777 par grand froid avec un fort vent donne une toute petite idée de ce qu’ont vécu les
soldats de la Grande Armée dans les plaines de Russie .
Parfois ,dans le nuage de fumée blanche de la décharge , semble se dessiner la silhouette floue d’ un
homme de petite taille ,coiffé d’un bicorne, vêtu d’une redingote , une main glissée entre deux boutons du gilet. La couleur de la redingote ?………... Grise .
Les objets n’ont parait il pas d’âme ! En ce qui concerne ce fusil , j’ai un doute.
N’allez cependant pas croire que , parce que techniquement dépassées ,ces armes sont des « arrosoirs ». En bon état , qu’elles soient d’épaule ou de poing , convenablement
approvisionnées et servies , elles permettent des scores considérés comme étonnants par d’excellents tireurs habitués à des engins modernes . C’est seulement un peu plus difficile .
Mais nous avons le privilège d’avoir en main des fragments d’HISTOIRE .
C’est ça, être ARQUEBUSIERS.
G.Jullien